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150 PORTRAITS DE GRANDS INGENIEURS

Le palier magnétique [1978]
Mécanique
Allemagne


Helmut Habermann
 
La suspension active : un arbre qui tourne en lévitation dans un champ
magnétique. (Photo X).


Le rêve du mécanicien ! Un rotor de palier qui tourne sans contact, sans perte d'énergie, sans usure... En lévitation. Sur un champ magnétique. Comme l'île "flottant dans l'air suspendue à l'aide d'un grand aimant" que Swift décrit dans son "Gulliver". Ce mythique palier magnétique est pourtant devenu une réalité industrielle en 1972. A Vernon, dans l'Eure, au Laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques (LRBA), un établissement de la Défense. Un ingénieur d'origine autrichienne Helmut Habermann y fait tourner à 30 000 tr/min, sans contact avec ses paliers, le rotor de 6 kg d'une pompe à vide turbomoléculaire.


Faites mieux que les Américains !

Essayez de tenir une pièce métallique entre les branches d'un aimant sans qu'elle vienne s'y coller ! Vous n'y arriverez pas. Il faut des électro-aimants contrôlés en permanence. Mais sur ce palier "actif", le pilotage électronique est un problème ardu. Pas pour Helmut Habermann, fin spécialiste des asservissements. Né en 1917 sous l'Empire austro-hongrois, il est ingénieur de l'université technologique de Brünn. On le retrouve dans les équipes de Wernher von Braun à Peenemünde. A la fin de la Guerre, comme nombre de spécialistes des fusées du Reich, il est recruté par les Alliés. Naturalisé français, il entre au LRBA en 1946 et travaille dans le cadre du programme spatial français... L'aventure du palier magnétique démarre de manière fortuite. En 1958, les Américains lancent leur satellite d'observation Explorer et claironnent "qu'il peut déceler à la surface de la terre un objet de la taille d'une balle de golf". L'Etat-major français demande au LRBA de vérifier cette surprenante performance. Elle ne s'explique que par la précision des systèmes de stabilisation du satellite. Ses volants d'inertie tournent sur des roulements spéciaux en céramique. "Il était exclu de se procurer ces composants classifiés. Nous avons donc exploré une autre voie : la suspension magnétique active", explique Helmut Habermann. Les essais sont concluants, et cette technologie "magique" suscite l'enthousiasme. Les ingénieurs de Vernon voient des paliers magnétiques partout. Dans les satellites, les pompes à vide, les broches de machines-outils... En 1971, la Société européenne de propulsion (SEP) reprend les études puis crée avec SKF, en 1976, la Société de Mécanique Magnétique (S2M) exclusivement consacrée au palier actif. Helmut Habermann en sera le directeur technique jusqu'en 1982. Aujourd'hui, à 81 ans, il avoue que le palier actif fut une passionnante mais très longue aventure. "Nous avions sous-estimé les difficultés. Il a fallu plus de vingt ans pour que cette technologie passe du spatial à l'industrie". Epilogue. Juin 1996. La S2M fête ses 20 ans. Sur le podium, une brochette de dirigeants japonais. Le groupe Seiko vient de prendre le contrôle de la PME normande.

Claude Gelé
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